Évaluer et financer la performance Carbone d’une ferme de grandes cultures, c’est maintenant possible !

✔️ Comment résumer plus de trois années de travaux en trois heures d’interventions techniques, de tables rondes et d’échanges ? Mission réussie pour le colloque de restitution de CarbonThink animé par Etienne Lapierre, coordinateur du projet chez Terrasolis.

🎯 Pour commencer, rappelons que l’objectif de CarbonThink : faire la démonstration qu’il est possible d’évaluer et financer la performance Carbone de fermes de grandes cultures en Grand Est.

Soutenu par la Région Grand Est et des fonds européens dans le cadre d’un Partenariat européen pour l’innovation, CarbonThink mobilise 5 partenaires historiques « aux études » (Agrosolutions, I4CE, Inrae, planet A® et Terrasolis en chef de file) et 14 partenaires agricoles « au déploiement terrain » (CDER, Scara, FDSEA51, EMC2, Cérèsia, Vivescia, Chambre Agriculture Marne, Cristal Union, CAL, Soufflet, CAC68, Chambre Agriculture Alsace, Chambre Agriculture Moselle, Tereos).

Démarré fin 2019, à l’époque où les éleveurs ouvrent les portes du Label Bas-Carbone (LBC), CarbonThink, malgré les crises en tout genre, produit plusieurs études ambitieuses et forme un collectif de partenaires portant le déploiement du Label Bas-Carbone en grandes cultures en Grand Est. Résultat, fin 2022, plus de 130 fermes de grandes cultures notifient au LBC leur intention de franchir progressivement les étapes conduisant de la simulation à la mise en place de pratiques bas-Carbone, de l’évaluation au financement.

CHAPITRE 1 – EVALUATION TECHNIQUE

Si CarbonThink contribue à la rédaction de la méthode LBC dédiée aux Grandes Cultures, CarbonThink surtout la teste en avant-première sur 10 fermes du Grand Est, puis la déploie sur plus de 100, grâce à la formation d’un collectif de 14 organisations agricoles.

En parallèle, sur sa ferme expérimentale Terrasolis éprouve  quatre « calculettes » (ou logiciels) Carbone, soient Carbon Extract, MyEasyCarbon et SysFarm s’appuyant sur la méthode du Label Bas-Carbone, et mySoilCapital s’appuyant sur la méthode du Cool Farm Tool. Si les résultats de cette analyse comparée ne sont pas présentés lors du colloque final, ils sont librement accessibles sur la page web CarbonThink, aux côtés de toutes les autres productions du projet.

L’analyse mutualisée des diagnostics Carbone, financés par CarbonThink ou l’Ademe, permet de produire des références :

✔️ Un bilan Carbone initial entre 3 et 4 TCO2e/ha/an,

• • constitué d’un léger déstockage de Carbone des sols,
  • et surtout d’émissions brutes de gaz à effet de serre, principalement liées à la fertilisation azotée, minérale et organique ;

✔️ Un potentiel de réduction d’émissions nettes de 0.7 TCO2e/ha/an ou crédits Carbone, soit environ 20% du bilan initial,

• • • lié plutôt à un stockage additionnel de Carbone des sols, attaché pour beaucoup au développement des intercultures,
    • mais aussi à des réductions d’émissions brutes reposant sur des changements de forme d’azote et l’insertion de cultures à plus faibles besoins en fertilisation azotée.

Déjà partagées lors de 3 « Carbone Tour » (Verdun, Châlons-en-Champagne, Colmar) ayant mobilisé 180 exploitants agricoles,

ces références permettent à une ferme de positionner sa performance au sein d’une analyse de groupe et d’identifier les principales pratiques bas-Carbone simulées. Pour autant, difficile de connaitre à l’avance le potentiel d’une ferme sans passer par un diagnostic individuel. Car l’équation Carbone est complexe, dépendante à la fois du contexte pédoclimatique, de l’historique des pratiques et de l’ambition du chef d’exploitation. A noter que les pratiques déjà en place sur une ferme, si elles sont meilleures que les pratiques moyennes du département, peuvent également générer des Crédits Carbone. Le principe est de choisir un point de comparaison ou scénario de référence, spécifique (individuel) ou générique (collectif).

L’analyse mutualisée des diagnostics anonymisés démontre enfin que l’agriculture bas-Carbone a un coût :

✔️ Coût moyen des pratiques bas-Carbone dépassant 50 €/ha/an,

• • évalué grâce à une grille de calcul conçue par 3 partenaires CarbonThink ;
  • il convient d’y rajouter un coût d’accompagnement technique, administratif et financier.

88 fermes de grandes cultures en Grand Est acceptent de mettre leurs données (anonymisées) en commun pour une analyse mutualisée de leur performance Carbone. Un travail réalisé et présenté par Valentin Mérai d’Agrosolutions.

📢 En complément, 3 conseillers Carbone, partenaires CarbonThink, alimentent la séquence :

• Vincent Grégoire de Tereos, sur le caractère chronophage des diagnostics et l’intérêt du collectif CarbonThink pour mutualiser les expériences ;
• Mathias Sexe d’EMC2, sur le bon usage des leviers agronomiques comme les intercultures et sur le besoin de fusion rapide des outils/méthodes LBC Grandes Cultures et Elevage ;
• Olivier Josselin de FDSEA51, sur le fait de bien positionner le Carbone au sein de la stratégie économique de l’exploitation agricole, rappelant que les cours actuels (du blé, de l’azote…) changent les référentiels.

Autour d’Edouard Lanckriet d’Agrosolutions (à gauche), trois partenaires agricoles CarbonThink partagent leurs expériences Carbone (avec de droite à gauche, Vincent Grégoire TEREOS, Mathias Sexe EMC2, Olivier Josselin FDSEA51)

CHAPITRE 2 – MODELE ECONOMIQUE

Voyons maintenant quels financements sont mobilisables entre Crédits Carbone (CC), Primes Filières, voire Subventions publiques.

✔️ Côté Crédit Carbone, l’analyse des offres commerciales de 4 mandataires-intermédiaires du Label bas-Carbone – Carbon&Co/InVivo, Carbone farmers, SysFarm et le tandem Terraterre – France Carbon Agri – permet déjà de constater qu’un prix, souvent plancher, et donc évolutif à la hausse selon les évolutions du marché pendant les cinq années d’un projet LBC, est proposé à l’agriculteur à 35 €/CC. Dès lors, deux stratégies au moins se distinguent :

• Certaines fermes verront le Crédit Carbone comme une fin en soi et ne passeront à l’action que si le Crédit Carbone rentabilise en totalité la transition. Il y en a.
• D’autres fermes verront le Crédit Carbone comme un moyen, venant financer une transition motivée par d’autres considérations : agronomiques, environnementales… Il y en a aussi.

✔️ Autre source de financement possible, des Primes Filières bas-Carbone sont de plus en plus proposées aux agriculteurs par les agro-industriels (Saipol, Nestlé, Cargill…). Si les cahiers des charges ne sont pas standardisés (à la différence de l’évaluation LBC), la préconisation CarbonThink est que :

• Une Prime Filière valorise un bilan Carbone intégrant à la fois Emissions brutes de gaz à effet de serre ET Stockage de Carbone dans le sol, et s’applique à l’échelle de la ferme (et non par production).
• Une Prime Filière valorise les fermes meilleures que la moyenne, et leurs pratiques bas-Carbone déjà en place, encourageant les fermes à atteindre un certain niveau de performance.

Un Crédit Carbone finançant une transition et une Prime Filière finançant une performance s’articulent intelligemment. Quant aux prix objectifs de ces différentes sources de financement permettant de couvrir les coûts de production des pratiques bas-Carbone (50 €/ha/an x 200 ha/ferme x 5 ans = 50 k€), le Crédit Carbone seul à 35 € ne suffit pas (ramenant 24.5 k€ à la ferme en 5 ans). Doublé d’une Prime Filière, il faudrait que cette dernière atteigne 25.5 €/ha/an sur tous les hectares pour couvrir les coûts. Nous n’y sommes pas encore. Seule une subvention publique versée en complément transitoire des financements privés, tant que CC et PF ne sont pas mieux structurés, permet alors à la ferme d’atteindre son seuil de rentabilité, toujours dans le respect de l’additionnalité chère aux standards Carbone.

Après avoir étudié différentes sources de financement (PAC et IAA), Claudine Foucherot de I4CE insiste sur le besoin de les coordonner sur une même ferme.

Caroline Defaut de planet A® présente différents modèles économiques selon que la ferme joue la carte du Crédit Carbone, de la Prime Filière, de la Subvention, ou d’un cumul de plusieurs dispositifs.

📢 En réaction, 3 promoteurs du marché Carbone rebondissent :

• Manon Vibert de Terraterre, sur les critères guidant les financeurs de Crédits Carbone, soient la localisation des projets, la cohérence avec la chaîne de valeur, le caractère multi-impact socio-environnemental et le prix ;
• Philippe Dubois De La Sabloniere de Axa Climate, sur les futures assurances paramétriques Carbone permettant de couvrir des pertes de récolte pour des fermes en transition (HVE, ACS, etc) ;
• Béatrice Moreau de la Région Grand Est, sur la non-activation (à ce jour) de la MAEC Carbone en Grand Est, sur le programme « Ambition 2030 » et la future « Agence des transitions » régionale.

Interrogés par Caroline Defaut de planet A® (à gauche), trois promoteurs de l’agriculture bas-Carbone s’expriment tour à tour  (avec de droite à gauche, Philippe Dubois De La Sabloniere AXA CLIMATE, Béatrice Moreau REGION GRAND EST, Manon Vibert TERRATERRE)

CHAPITRE 3 – PERSPECTIVES REGIONALES

Alors comment aller encore plus loin pour maximiser le revenu Carbone et donc l’action climatique des fermes de grandes cultures en Grand Est ? Deux leviers sont identifiés :

• Technique : pérenniser les partages d’expériences Carbone inter-organisations agricoles et mutualiser les tests d’outils ou services Carbone, aussi bien sur le volet Evaluation que Financement ;
• Financier : structurer une organisation régionale pour aller chercher plus de crédits Carbone (ou autres paiements pour services environnementaux) en volume et en prix.

Qui plus est, un CarbonThink #2 est dans les tuyaux pour 2023. Objectif, produire un modèle de coopération territoriale permettant de passer de 20% de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (CarbonThink #1 – SNBC 2030) à 50% (SNBC 2050), en impliquant tous les maillons des filières de la bioéconomie.

📢 En ouverture, un agriculteur, une élue et un chercheur partagent quelques pistes d’accélération pour l’agriculture bas-Carbone :

• Hugues Clivot de l’URCA UMR FARE, explique qu’un modèle bien paramétré par des données d’expérimentation est souvent plus fiable que des mesures au champ pour évaluer les dynamiques de stockage de carbone dans les sols, rappelant qu’il est prouvé scientifiquement que, seule, la réduction du travail du sol ne permet pas de stocker davantage de carbone sur toute la profondeur d’un sol ;
• Anne Desveronnières du Grand Reims, exhortant la salle à prendre rendez-vous avec sa collectivité « vous avez des idées, venez nous voir », citant quelques exemples concrets d’innovations soutenues par le Grand Reims (Toopi organics, Aerolab…) ;
• Olivier Dauger, agriculteur référent Climat à la FNSEA, sur l’affirmation que le bas-Carbone est un passage obligé pour l’agriculture, y associant les enjeux Autonomie azotée, Protéines végétales et Fertilité du sol !

Challengés par Carole Leverrier de Terrasolis (à droite), trois experts identifient des leviers d’accélération bas-Carbone (avec de gauche à droite, Olivier Dauger FNSEA, Hugues Clivot URCA UMR FARE, Anne Desveronnières GRAND REIMS)

Pour conclure, Maximin Charpentier, président de Terrasolis, met en avant une des clefs de la réussite de CarbonThink. Si aujourd’hui, une ferme de grandes cultures peut s’engager sur la voie de l’évaluation et du financement de sa performance Carbone, c’est grâce à la force d’un collectif innovant partageant un même territoire et une ambition commune : faire du Carbone le vecteur de développement d’une agriculture au service du climat.

Et CarbonThink au milieu de tout cela ? Un point d’étape. A suivre…

Merci à Agrosolutions (Edouard, Morgane, Valentin…), I4CE (Claudine, Thomas, Adeline…), INRAE (Philippe, Camille, Adrien…), planet A® (Caroline, Jean-Pierre, Axel…), CDER (Thomas…), Scara (Laura, Philippe…), FDSEA51 (Olivier, Catherine, Hervé…), EMC2 (Mathias, Arnaud, Jean-Noël…), Cérèsia(Frédéric, Augustin, Pol…), Vivescia (Armand…), Chambre Agriculture Marne (Cassandre…), Cristal Union (Quentin…), CAL (Claire…), Soufflet (Grégoire, Philippe…), CAC68 (Lucas…), Chambre Agriculture Alsace (François…), Chambre Agriculture Moselle (Quentin, Anne…), Chambre d’agriculture régionale Grand Est (Arnaud, Maëva…), Région Grand Est (Claire, Nicolas, Cyril, Thibault, Mathilde, Philippe…), à tout Terrasolis et à l’écosystème du Carbone agricole…

Et surtout, merci aux agricultrices et agriculteurs qui s’engagement en Grand Est et au-delà dans la lutte contre le changement climatique !

CONTACT

Étienne Lapierre

Coordinateur CarbonThink

📧 etienne.lapierre@terrasolis.fr I📱06.89.44.46.93